LES RETRAITÉS SENEGALAIS EN FRANCE

07 - Novembre - 2021

Les retraités sénégalais résidant en France sont confrontés à toute une série de problématiques administratives, sociales et juridiques qui posent des enjeux en matière d’accès aux droits et leur pérennité dans le temps et dans l’espace.

Sur le plan administratif
Les retraités sénégalais en France peuvent se prévaloir du droit d’accès à trois types de catégories de titre de séjour
LA CARTE DE SÉJOUR ORDINAIRE D’UNE DURÉE DE 10 ANS
Appelée aussi carte de résident, elle permet d’accéder à tous les droits sociaux de droits commun (assurances maladie, prestations sociales de solidarités nationales, prestations de vieillesse et de dépendances, allocations familiales dont tous conformément à la convention sociale franco - sénégalaise, ne bénéficient pas du sceau de l’extraterritorialité et de l’exportabilitées des droits sociaux. En l’absence d’une convention sociale de réciprocité, entre la France et le Sénégal, les familles des retraités sénégalais non-résidents en France ne peuvent pas prétendre à l’accès aux droits sociaux en France en dehors des allocations familiales.
Une contrainte administrative de la loi RESADA RELATIVE À L'ACCUEIL ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS en France, fixe les conditions de validité et de renouvellement des titres de séjours ainsi que la durée des périodes dont un Sénégalais ou un retraité peut séjourner en dehors de la France, sans perdre pour autant son droit au titre de séjour. Cette durée est portée à trois ans moins un jour franc jusqu’à minuit, pour porter l’obligation de rentrer en France sans perdre son titre de séjour. Au-delà des trois ans, le titre de séjour n’est plus valable et ne permet pas au porteur de pouvoir revenir en France et d’y prétendre à un séjour régulier à ses droits sociaux
LA CARTE DE SÉJOUR RETRAITÉ
Elle est pernicieuse et dépouille le retraité sénégalais de tous ses droits sociaux dès lors que c’est son adresse du pays d’origine qui figurera sur cette carte. En optant et acceptant toujours sans disposer d’informations nécessaires pour les risques encourus par ce nouveau statut pour la domiciliation administrative ,il accepte tacitement sans le savoir territorialité des droits sociaux Elle a une durée de 10 ans, elle permet au porteur de bénéficiaire de disposer d’une durée illimitée de séjour dans son pays sans contrainte de retour en France. En revanche, il ne peut plus séjourner en France au -delà d’une durée supérieure à un an et compte tenu de la territorialité des droits sociaux, il ne pourra plus en bénéficier, son domicile administratif étant hors de France.
Son renouvellement ne se fera plus dans les préfectures de la France métropolitaine, mais auprès du consulat général de France à Dakar. Celui -ci ne dispose pas de services dédiés aux renouvellements des titres de séjours portant la mention de retraité, il n’est qu’une boîte à lettre des demandes de renouvellement auprès des préfectures de France métropolitaine concernées.
Beaucoup de nos compatriotes qui avaient opté cette option par méconnaissance des risques qui y sont liés ont perdu leurs titres de séjour, ne peuvent plus revenir en France et au défaut de document administratifs liés au séjour régulier en France ils ont vu leurs pensions de retraite suspendus par la CNAV
PROPOSITION : cette carte de séjour est à prohiber auprès des Sénégalais de France. Elle ne peut être ni une opportunité en liberté d’aller et venir, ni une perspective en autonomie car, elle est source de perte de droits. C’est une carte de séjour porteuse de beaucoup de risques de précarité administrative et de pauvreté à terme. L’Etat à travers ses services déconcentrés compétents concernés, doit mettre en place une politique de communication et de sensibilisation des Sénégalais en France qui, à partir des consulats généraux pourraient accéder à l’information par le biais d’un répondeur téléphonique à partir duquel les retraités sénégalis pourraient poser des questions, rendre compte de leurs vécus et être reçus par une personne compétente en matière du droit des étrangers et du droit social et administratif français

LA CARTE DE SÉJOUR DE RÉSIDENT PERMANENT
Elle est d’une durée permanente de 10 ans et son renouvellement est automatique et elle n’est pas soumise aux contraintes limitatives que portent les autres cartes de séjours Tous les retraités étrangers en France ont droit à ce titre de séjour au-delà de soixante ans. Seulement, les préfectures ne communiquent pas sur cette dernière option de titre de séjour et beaucoup sont les étrangers en France qui l’ignorent.
Certains de nos compatriotes l’ont mais avec un nombre très restreint. Cette carte de séjour n’est pas soumise à l’obligation de rentrer au bout des trois ans moins un jour franc avant minuit, mais ne bénéficie pas de l’extraterritorialité des droits en l’absence d’une convention sociale de réciprocité entre la France et le Sénégal
PROPOSITION : négocier pour les ressortissants sénégalais en France, la délivrance de ce titre de séjour qui pourrait faciliter l’ex - portabilité des droits sociaux dans le cadre d’une renégociation de la convention sociale franco-sénégalaise. Pour que son attribution automatique aux retraités sénégalais lève la contrainte de la territorialité des droits sociaux en France, notamment la perception des minimas sociaux dont le minimum vieillesse et l’allocation de solidarité de résidence retraite destinée à compléter et de relever les petites pensions et la durée du séjour hors de France. L’objectif est de lever la contrainte de la résidence obligatoire et de la limitation de la période de séjour hors de France (365 jours *3 ans -1 jour) qui conditionne la forclusion du titre de séjour du retraité sénégalais temporaire ou de 10 ans, revenu vivre dans sa famille
Sur le plan social
LES RETRAITES DE BASE ET COMPLÉMENTAIRES
Tous les Sénégalais retraités qui vivent en France bénéficient du droit commun social quelque soit leurs montants de retraites de base perçus et aussi leurs retraites complémentaires. Cependant beaucoup de sénégalais perçoivent des pensions minimes qui sont en deçà du minimum requis. En résidant en France, ils peuvent bénéficier d’une allocation de solidarité de résidence qui complète leurs pensions de retraites sous conditions qu’ils satisfassent aux critères de résidence permanente en France. Car, cette allocation ne bénéficie pas de portabilité en dehors de la France. Ce droit commun est territorialisé, n’est pas soumis à l’extraterritorialité ; Tout étranger qui quitte ne serait- ce que temporairement perd ce droit jusqu’à son retour en France. Des contrôles stricts de résidence sont effectués auprès des domiciles des retraités pour vérifier l’effectivité de résidences en France

PROPOSITION : Travailler pour que dans la nouvelle convention franco – sénégalaise à venir à la levée de la politique de subsidiarité qui permet à la France de faire la prééminence de sa loi nationale et du droit commun français sur la réglementation européenne et la réglementation internationale de l’OIT en matière de circulation des personnes et de la portabilité des droits sociaux.
Cette contrainte levée, elle permettrait de créer l’équité entre les Sénégalais migrants accédant à la retraite et les retraités français qui tout en séjournant à l’étranger ne sont pas contraint à cette exigence de résidence même si la preuve de vie semestrielle ou annuelle est une exigence auprès des services diplomatiques et consulaires français à l’étranger. La caisse de sécurité sociale des français à l’étranger en est le point d’appui.
En matière de suivi des retraités sénégalais de France sur le territoire sénégalais une convention de réciprocité en matière d’assurance maladie incluant les branches retraite et de la famille ainsi que de la dépendance, pourrait faciliter à obtenir la disparition de ce verrou de la résidence
Créer comme la France, une caisse de sécurité sociale des sénégalais de l’extérieur dont les modalités de création devraient se faires en communication et en co-construction avec les réseaux des diasporas sénégalaises et dont des rôles essentiels est de faciliter et de résorber toutes les contraintes liées à l’ex-portabilité des droits sociaux, une fois la mission d cette caisse est intégrée dans le cadre des possibilités nouvelles que pourrait offrir la convention sociale franco-sénégalaise rénovée
LE MINIMUM VIEILLESSE
Un nombre important de nos compatriotes vivant en France -bénéficient de ce dispositif de solidarité nationale. Plusieurs raisons peuvent justifier cela. D’une part la courte durée de séjour avec une obtention d’un titre de séjour au-delà de cinquante ans et en l’absence d’une preuve matérielle d’une période de salarié suffisante pour accéder décemment à la retraite. Seules les personnes âgées de plus de 60 ans peuvent bénéficier de ce dispositif.
En outre ceux qui ont vécu en France de manière régulière et qui n’ont pas occupé d’emplois salarié peuvent à partir de soixante ans prétendre à ce dispositif ainsi que les bénéficiaires des minimas sociaux (RSA, ALLOCATIONS DE SOLIDARITÉ, les allocataires de chômage de Très longue durée, les invalides ou les malades de longues durée ou les handicapés reconnus par la sécurité sociale et agréé par la COTOREP etc)
PROPOSITION : La consolidation de la convention de réciprocité en matière d’assurance maladie pourrait valider ce principe réciproque de solidarité qui pourrait pour la partie sénégalaise être financée par la récupération des droits des travailleurs migrants sénégalais non reversés au Sénégal, et consolider la preuve de vie et lever la contrainte de séjourner en France au minimum six mois l’an pour faire valoir des droits au minimum vieillesse.

DÉPENDANCE ET AUTONOMIE
C’est un sujet explosif qui est entrain de pointer son nez au-sein des communautés migrantes africaines , .Le mode de vie et les réseaux sociaux solidaires portés par nos compatriotes atténuent pour beaucoup ce risque sauf pour la communauté wolof néo-urbaine voir très urbanisée et individualiste, qui ,en dehors des DAHIRAS religieuses , ne dispose pas de tissus sociaux solidaires tels que ceux -ci sont portés par les peuls, les soninkés, les diakhanké et malinkés, les diolas , les mandingues et les manjaks. Les sérères (très peu nombreux en France ) sont dans d’autres dispositifs que portent les réseaux diasporiques solidaires de l’église sénégalaise.
Le risque d’accueil dans les EPAHD (MAISONS DE RETRAITES) sont peu probables à très court terme mais se poseront sans aucun doute dans ces prochaines années compte tenu de la tendance très progressive de la nucléarisation de la famille sénégalaise en France
Il serait alors pertinent que l’Etat du Sénégal interagit avec les réseaux de ses diasporas pour élaborer un pacte de confiance pour un cofinancement de ce volet qui pourrait englober les allocations obsèques et les rapatriements sanitaires nécessaires en fin de vie, au-delà de l’application du droit commun français en matière de vieillesse et de dépendance auquel les Sénégalais vieillissants en France pourraient prétendre
PROPOSITIONS Le vieillissement des populations étrangères en France est un enjeu considérable en matière de cohésion sociale et de risques nombreux dans la transparence des prises en charges et des discriminations raciales possibles
La profondeur des mutations sociales qui traversent durablement les familles sénégalaises en France avec les conflits de représentations générationnelles qu’elles portent, induisent des ruptures entre parents et enfants, des solitudes précoces de parents atténuées grâce aux réseaux de solidarité multiformes que les différentes communautés culturelles sénégalaises reproduisent ici en France en communications avec leurs villes et ou villages d’origines
Dans le cadre de la convention sociale franco-sénégalaise, le gouvernement devrait faire valoir la prise en compte des diversités culturelles et linguistiques qui contribuent à la prise en compte des dignités, des cosmogonies, des valeurs et des droits humains au-delà du statut de l’étranger. Car il s’agit de l’étranger citoyen qui est assujetti à l’ensemble des obligations du droit commun en France, ce qui lui confère réciproquement des droits à la sauvegarde, à la préservation et à la protection.
Les droits non reversés des cotisations sociales des travailleurs sénégalais en France, pourraient contribuer au financement de ce dispositif en faveur de sénégalais qui ont choisi des rester en France
Un fonds de dotation constitué de reliquats émanant des droits non reversés , d’une dotation financière de l’Etat , et des contributions des réseaux de solidarités qui irriguent les communautés sénégalaises en France (associations , caisses villageoises, DAHIRAS musulmanes catholiques et polythéistes et autres formats sociaux et de prévoyances portés par les migrants sénégalais , permet d’envisager avec sérénité la gestion de l’autonomie des personnes âgées sénégalaises dépendantes qui ont choisi de rester en France ou de rentrer dans les villes ou villages du pays d’origine
LES PENSIONS DE REVERSIONS
Pour les familles résidentes en France il n’y a aucun problème particulier dans ce domaine précis. Ce sont les familles dont les maris résident en France ou en résidence alternée entre la France et le Sénégal, qui rencontrent des difficultés considérables à faire valoir leurs droits.
Beaucoup de familles au Sénégal sont confrontées à ce problème par ignorance de la convention franco-sénégalaises, l’IPRES au Sénégal et la CNAV en France ne mettant pas à disposition les informations nécessaires relatives aux accès aux droits de réversion pour ces familles. L’incapacité de mobilité entre la France et le Sénégal pour les ayant droits, rend encore d’avantage plus difficile la chose ;
PROPOSITION : La réversion des pensions de retraites est un dossier très compliqué et est caractérisé par un manque de transparence autant auprès des services sociaux en France que ceux du Sénégal La disposition concernant la pension de réversion n’est pas pertinente dès lors qu’elle ne prend pas en compte en amont et aval toutes une série de contraintes auxquelles les familles concernées sont confrontées et qui ne participent pas à la facilitation en matière d’accès aux droits de réversion.
L’éloignement des villages d’origines des défunts sénégalais, l’illettrisme caractérisé des ayants droits,les problèmes de langues, la méconnaissance des droits et les dépaysements en milieux urbains sont autant de contraintes qui fondent les difficultés d' accès aux droits.
Les restrictions draconiennes de la France en matière d’immigration constituent une violation flagrante des droits des ayants droits en les empêchant de venir en France effectuer les démarches tendant à résoudre les problèmes liés aux pensions de réversion.
Les mesures de cogestion du traitement des pensions de réversion entre la France et le Sénégal en l’absence de service dédié au consulat général du Sénégal à PARIS créent des lenteurs administratives telles que beaucoup de familles et des ayants droits préfèrent laisser tomber.
L’absence d’outils de communications pertinents accessibles aux ayants droits dans leurs langues est un obstacle majeur à résoudre dans les rapports entre l’administration sociale sénégalaise

LA CONVENTION FISCALE FRANCO-SÉNÉGALAISE
Les droits fiscaux des diasporas sénégalaises sont pratiquement inexistants dans la convention fiscale franco -sénégalaise notamment en matière du statut du foyer fiscal et de la prise en compte de l’assiette fiscale selon que le migrant sénégalais est monogame ou polygame et selon qu’il soit marié selon le régime de la communauté des biens ou de la séparation des biens.
En l’absence de la résidence commune au sein du foyer fiscal, les sénégalais dont les familles ne vivent pas en France sont tacitement considérés comme des célibataires par l’administration fiscale française et voient leurs charges et obligations fiscales surévaluées par l’administration française des impôts; cette réévaluation à la hausse des taxes fiscales remet automatiquement en cause leurs droits sociaux et peuvent poser d’énormes problèmes sur les allocations familiales ,et les droits de réversion des pensions de retraite en cas de non reconnaissance du statut matrimonial du sénégalais concerné en cas de décès., avec comme corollaire la disparition d’un certain nombre de droits comme l’APL (aide personnalisée au logement) ;alors que la convention sociale reconnaît explicitement elle ce statut de chef de famille aux sénégalais qui résident en France mais dont les familles résident dans leurs villes ou villages.
Plusieurs retraités sénégalais dont les familles ne résident pas en France ont vu une remise ne cause de leurs statuts matrimoniaux par l’administration fiscale française les qualifiant automatiquement de célibataire avec une perte importante de droits sociaux avec un risque de remise en cause de leurs allocations familiales pour les enfants restés au pays, alors que contradictoirement, la convention sociale franco sénégalaise leurs reconnait leurs statuts matrimoniaux et leurs statuts de chefs de familles
PROPOSITION : Harmoniser les différentes conventions de telle sorte à avoir une lisibilité des moyens d’accompagnements des Sénégalais de France dans la plénitude de leurs droits ; les services en charge des questions concernant les Sénégalais de l’extérieur ne communiquent avec les réseaux des diasporas sénégalaise. Ils préfèrent faire des modèles à partir d’expériences d’autres pays qui eux parlent et échangent avec leurs compatriotes, au lieu de communiquer et établir des liens transversaux avec la communauté sénégalaise de France dont les acteurs de proximité figurent parmi l’excellence des professionnels du droit social Français
L’échec de l’accompagnement des autorités sénégalaises vient essentiellement de là. Car elles ne connaissent pas les diasporas sénégalaises et leurs composantes multiformes et elles ignorent pour beaucoup les dispositions françaises en matière de droit social, fiscal, administratif et juridique qui codifient les quotidiennetés des migrants dans le cadre de la réglementation spécifique et sectorielle du droit des étrangers en France et en Europe.

MAMADOU DEME
SOCIOLOGUE DES MIGRATIONS ET DU DÉVELOPPEMENT LOCAL
DÉLÉGUÉ DE PRÉFET EN FRANCE A LA RETRAITE
HAUT CONSEILLER DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DU SÉNÉGAL

 

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