A l’hôpital traditionnel de Keur Massar au Sénégal, la réussite des « médecins aux pieds nus »

11 - Janvier - 2019

CHRONIQUE DE SO-HO

Un reportage de So-Ho
notre envoyé spécial au Sénégal

Si en Europe certains patients recourent de plus en plus à des médecines alternatives, en Afrique la médecine traditionnelle est une réalité qu’illustre parfaitement l’existence depuis près de quarante ans de l’hôpital traditionnel de Keur Massar sur la route de Saint-Louis à vingt-cinq kilomètres de Dakar. Celui-ci est dirigée par Djibril Ba qui a bien voulu nous recevoir et nous le faire visiter.

Tout commence dans les années 80

L’histoire commence dans les années 1980 après qu’un peu plus tôt des recherches bactériologiques sur la lèpre avaient jeté un pont entre Sciences et Tradition faisant fi des préjugés occidentaux qui désignaient trop souvent des tradithérapeutes sous le nom de sorciers.

A l’origine du projet, une femme : Yvette Parès

En réalité ces médecines traditionnelles, dites « empiriques » sont une réalité du patrimoine thérapeutique de l’humanité aussi bien en Afrique qu’en Asie car elles recourent aux vertus des plantes. C’est ce qu’a très bien compris Yvette Parès, arrivée à Dakar en 1960. Ce chercheur en biologie et également médecin, professeur à l’université de Dakar, décédée en 2010, est parvenu la première à cultiver le bacille de la lèpre et c’est sa rencontre avec un grand-maître guérisseur peul, Padi Diallo, qui a profondément changé son regard sur la médecine occidentale. De là est née à Keur Massar la culture, la récolte, la préparation et la prescription de plantes africaines. Ainsi que nous l’indique Djibril Ba « Notre jardin botanique est le plus exotique du Sénégal et compte pas moins de quatre cents espèces de plantes différentes qui nous servent à la réalisation de nos traitements et alimentent notre pharmacopée traditionnelle ».

80 % de la population sénégalaise

Cette médecine voit le nombre de ses adeptes augmenter de jour en jour au point d’être suivie par 80 % de la population Sénégalaise et l’an dernier l’hôpital a enregistré plus de mille cents malades venus en consultation dans le cadre de la prévention de la lèpre infantile, mais aussi la tuberculose, les hépatites, le palu et le sida. Sa pharmacie a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de neuf millions six-cent mille francs CFA et un chiffre beaucoup plus conséquent à travers ses expéditions régulières en France vers une pharmacie ouverte à Salles, non loin de Strasbourg. Avec Djibril Bal, vingt-six personnes s’activent au quotidien dans cet hôpital doté d’un budget annuel de fonctionnement de trente millions de francs CFA, géré par une ONG allemande ainsi que le Secours catholique. Il faut dire en effet que si Léopold Sédar Senghor (1906 – 2001) l’ancien président du Sénégal s’est beaucoup investi dans l’hôpital de Keur Massar ses successeurs n’ont pas montré le même empressement ce qui est très regrettable. Et ce, alors que des recherches conjointes sont conduites avec l’université de Dakar. L’hôpital doit donc compter sur des subventions privées.

Des occidentaux en stage à Keur Massar

Cette réalité de la médecine africaine à l’efficacité étonnante séduit chaque jour davantage des jeunes naturopathes et homéopathes français qui effectuent des séjours de plusieurs semaines à Keur Massar, à l’image d’Anne, une étudiante bretonne en herboristerie que nous avons rencontrée : « Cela fait plus d’un mois et demi que je suis ici et j’ai énormément appris dans la préparation des plantes, la pharmacothérapie, et le rapport avec le patient très différent de ce que nous connaissons en Europe ». Le côté humain est sans doute en effet ce qui manque le plus dans nos sociétés occidentalisées ainsi que le sens de l’écoute et chaque médecin européen devrait se souvenir de ce que disait le philosophe allemand Goethe : « Je suis le produit de toutes les rencontres que j’ai faites dans la vie ».

Un gîte et un professeur de philosophie …

Avec ses collègues Sénégalais et d’autres nationalités, Anne travaille une partie de la journée dans un laboratoire de l’hôpital où l’on fabrique des poudres, mélange de plusieurs plantes cultivées dans le jardin. Celles-ci soignent aussi bien les hémorroïdes que les herpès. On y réalise aussi des extraits alcoolisés à base de plantes dans la conception d’anti-douleurs et de lutte contre les infections. On y fabrique encore des savons dermatologiques. Pour accueillir ces stagiaires un gîte a été créé au cœur de l’hôpital grâce à une franco-suisse Geneviève Baumann qui après avoir vendu ses biens en Europe a consacré l’argent retiré à la réalisation et au fonctionnement du gite qui accueille de façon permanente quatre stagiaires chaque année. Ce professeur de philosophie à l’université de Laval au Québec à sans nul doute trouvé à Keur Massar un nouveau sens à sa vie.

Un nouveau puits

Quant à Djibril Bal il va devoir résoudre une autre difficulté, le creusement d’un nouveau puits depuis que le précédent s’est effondré et trouver les fonds nécessaires aux travaux. Un casse-tête de plus pour cet homme qui ne manque jamais de rappeler que « l’hôpital accomplit aussi et surtout une œuvre sociale, raison pour laque chaque produit est seulement vendu l’équivalent d’un euro cinquante. Nous sommes pour beaucoup de patients l’ultime recours quand ils ont épuisé tout le reste ».

Une expérience unique

Et si tout le monde connaît l’œuvre magnifique accomplit par Albert Schweitzer dans son hôpital de Lambaréné au Gabon dans les années 1920, un autre hôpital, traditionnel celui-là, au Sénégal, à Keur Massar,* et son expérience unique mérite aussi tous les encouragements car son efficacité est étonnante. Oui, à n’en pas douter les « médecins aux pieds nus » peuls, sérères, wolofs et autres ethnies contribuent, eux-aussi, à l’histoire universelle de la médecine.
Site : www.hopitalkeurmassar.com –

So-Ho

Commentaires
1 commentaires
Auteur : Posté le : 20/01/2020 à 15h41

BRAVO et continuez.

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